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Juan Leal : « Je veux dicter ma volonté au toro avant qu’il soit dompté »

Le site Mundotoro vient de publier cet interview de Juan Leal, après sa confirmation d'alternative à Madrid...

 

Il a été une des surprises de la dernière San Isidro. Une féria avec six confirmations d’alternatives, qui rajoutèrent de l’intensité au puits de sang neuf jailli dernièrement dans la tauromachie. Pour la Corrida de la Presse, Juan Leal s’est présenté dans la Champions League avec des toros d’un gabarit impressionnant. Une après-midi en pente raide, car Mira-bajo, le toro de Pedraza de la cérémonie ne laissa aucune option au torero d’Arles. C’était le contraire du toro rêvé, et il noya toute possibilité de triomphe. Puis il fallut attendre jusqu’au sixième toro…

 

Juan Leal : « Exactement ! Mais à aucun moment je ne me suis découragé, parce que je savais que pour peu que le sixième m’aide, j’allais tout donner pour essayer d’exprimer mon concept de tauromachie. J’ai choisi une profession très dure, dans laquelle les lamentations et les excuses ne servent à rien. La seule chose qui compte, c’est ce que tu es capable de transmettre et de démontrer devant le toro que tu touches. Là, le minimum que je pouvais faire pour remercier ceux qui me font confiance, c’était de passer la ligne rouge. C’est la seule chose que permettait ce toro de Pedraza.

Mundotoro : Tu parles comme si c’était facile ! Ça a surtout été un exercice de courage hors du commun. Et la preuve, c’est que le public de Las Ventas s’est rendu, tous secteurs confondus !

Juan Leal : « C’est vrai ! Et c’est sûrement ce qui me rend le plus fier. Arriver à convaincre l’arène la plus importante du monde, ça m’empêchait de dormir. Même si je n’ai pas réussi à pouvoir vraiment achever mon travail, je n’oublierai jamais les sensations qui ont envahi mon esprit. Je suis convaincu que ce mélange de sentiments, tu ne peux les vivre que devant un toro. Le maestro Juli m’a envoyé un message, et entre autres choses, il me disait : « Cette profession est parfois ingrate, mais le plus important, c’est la satisfaction personnelle de ce que tu as fait… » C’est exactement ça…

Mundotoro : La profession est ingrate ?

Juan Leal : C’est tout sauf un chemin de roses, mais je sais où je vais. Je crois que depuis mes débuts, ma carrière suit le même cap, et c’est le plus important. Je sais aussi exactement quelle est ma forme d’expression, celle qui me rend heureux devant un toro, et c’est ça que je veux partager avec les aficionados. Peut-être que ma tauromachie demande plus de temps, qu’elle est plus risquée que d’autres, mais c’est en elle que je me sens torero et heureux.

Mundotoro : Tous les médias, y compris Mundotoro, ont relevé dans ta tauromachie un concept inspiré de Paco Ojeda…

Juan Leal : Bien sûr, pourquoi le nier ? Évidemment, ça serait un honneur de lui ressembler ! Mais il avait une personnalité inimitable ! Moi, j’espère seulement interpréter la tauromachie que je sens, et évidemment fouler les terrains qui brûlent lorsque c’est le plus difficile, c’est à dire au début de la faena. Là, c’est donnant donnant avec la bravoure intacte du toro. Pour ça, oui, je veux boire à la source du maestro Ojeda. Presque personne n’y est arrivé. Mais ça, ça demande du temps, et de toréer beaucoup…

Mundotoro : L’Ojedisme est encore actuel en 2016 ?

Juan Leal : Son héritage, dans la tauromachie actuelle, est évident ! Mais pour moi, le plus important c’est d’arriver à imposer ma volonté au toro tout de suite, avant qu’il ne soit dominé, avant même qu’il ait accepté le leurre comme ennemi. Qu’il n’y ait pas de tricherie entre nous. C’est un acte de foi réciproque. Ou de confiance mutuelle, comme le définit le maestro Ojeda. De l’avoir essayé m’a rapporté beaucoup d’ennuis, et quelques jours au lit. Mais quand j’y arrive, même en partie comme avec le toro de Pedraza à Madrid, ça donne un sens à ma vie.

Mundotoro : C’est un choix atypique, à une époque où on donne beaucoup d’espace aux toros.

Juan Leal : C’est une idée reçue. Je ne prétends pas passer dix minutes entre les cornes ! J’aime aussi toréer et ressentir quand le toro vous frôle le ventre. J’adore allonger les charges, surtout de la main gauche. Ça n’a rien à voir. Et pour ça, bien sûr, il faut donner de l’espace au toro. Mais je ne crois pas non plus qu’il soit impossible de « citer » près du toro, et de l’amener ensuite au plus loin dans la passe, avec élégance, s’il a la charge d’un vrai toro brave… Et aujourd’hui, le toro sort plus brave que jamais ! J’écoutais le maestro Emilio Muñoz, sur Canal Plus, et il expliquait que ceux qui avaient fait la loi dans la tauromachie étaient toujours les toreros qui, citant de près, avaient été capables de provoquer des charges longues.

Mundotoro : C’est une déclaration d’intention !

Juan Leal : Maintenant qu’on m’en donne l’opportunité, c’est juste une réflexion à voix haute. Il reste le plus dur : arriver à le faire. La seule chose qui est claire pour moi, c’est que je continuerai dans cette voie. Et que je ne laisserai pas la moindre goutte dans l’encrier… Ma confirmation à Madrid a servi à ce que les gens me connaissent, et déjà quelques portes se sont ouvertes. Je ne peux vraiment pas me plaindre. En plus, ça ne servirait à rien…

 

(Interview réalisé par José Miguel Arruego pour Mundotoro)

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