Feria1

Séville 18 avril 2018 Parler

Il faut se méfier des journées qui commencent par ce genre d'épreuve : votre bistrot de petit-déjeuner, élu après de longues études comparatives et un appel d'offres en béton, celui qui propose, à cent mètres de chez vous et à 10 mètres d'un kiosque de presse un jus d'orange plein de soleil, une tostada de pain de campo à peine grillée, gorgée d'huile d'olive et tapissée d'un jambon souple et odorant et un café râpeux et profond, ce bar de la place de la Magdalena est fermé en ce mercredi de Feria ! C'est quoi cette histoire ? Le mercredi de Feria est une date à ce point exceptionnelle qu'on puisse en faire un jour férié dans la limonade ? Il faut hélas se rendre à l'évidence : depuis qu'à Séville, on gracie un toro sur deux, tout fout décidément le camp !...

Et comme, c'est bien connu, les emmerdements, c'est comme les Alpha Jet, ça vole en escadrille, on a appris ce matin un nouveau cas de xylella du côté d'El Ejido, près d'Alméria. La xylella fastidiosa, comme tout le monde et surtout le dictionnaire le sait, est une espèce de protéobactérie Gamma de la famille des Xanthomonadaceae. En un mot, une saloperie qui attaque certaines espèces de plantes et d'arbres, et dernièrement tout particulièrement les oliviers. En Italie, dans la région des Pouilles, plus d'un million d'oliviers ont été perdus après cette infection, qui arrive donc en Andalousie, et qui a déjà été signalée à Nice et en Corse voici deux ans.

Il y a quelques mois, la xylella avait affecté des vergers d'amandiers dans la région d'Alicante, qui avaient dû être détruits...

Il y a quelques mois, la xylella avait affecté des vergers d'amandiers dans la région d'Alicante, qui avaient dû être détruits...

On imagine bien ici les ravages que pourrait faire dans l'économie locale une épidémie de ce que l'on surnomme l'ébola des oliviers. Pour l'instant, les autorités sanitaires andalouses se veulent rassurantes : l'infection détectée à El Ejido serait un cas très isolé, avec peu de risque de contamination. Comme le dit Blanca Landa, la scientifique responsable du service à la Junta, "C'est le meilleur scénario parmi les pires possibles". Il n'en reste pas moins que, tout ça rapporté à sa tartine du matin, ça fait frémir...

Le soleil est, toute la journée, des plus aimables et, dans les cassettes de la Feria, le rebujito est frappé. Les agents de la Police municipale ont démantelé hier un "réseau clandestin de rebujito" !... Au cul d'un camion rempli de glacières, les malfaiteurs vendaient à prix cassé ce délicieux mélange de Manzanilla, Seven Up, glace et menthe fraîche. Très frais mais très sucré. Un faux ami. On ne sait pas ce que ce trafic induisait de manque à gagner pour la balance commerciale de la ville, mais force est restée à la loi. Et aux indirectes.
Résultat du soleil et de la douceur du soir, les gradins de la Maestranza étaient loins d'être remplis à l'heure du paseo. La faute également au cartel, bien éloigné des topiques sévillans : le français Jean-Baptiste Jalabert, le madrilène López Simón et l'extrémeño José Garrido. Et d'âpres toros de Salamanque. Une promesse difficile, quand pour la tenir il faut aussi poser son verre, quitter ses amis, courir après un taxi de la compagnie "peut-être", et changer brutalement de disque dur. Nous, c'est pas pareil, on est venu pour ça...
Le second toro de l'après-midi, Mirabajo, un châtain de 505 kilos, était un bon toro. Noble, sans mauvaises idées, il entrait et sortait aimablement des toiles, comme un fauve bien élevé. Alberto López Simón le toréa bien, sans précipitation ni faute de carre. D'où vint alors cet ennui poli, ce sentiment d'assister à quelque chose de vain qui, au final, ne servirait à rien, et serait oublié à peine qu'on l'eût vu ? Et on se disait, nous aussi, qu'on aurait dû rester à la Feria, où nous n'étions pourtant pas. Même motif et même ennui au cinquième, où tout manqua singulièrement d'étincelles.
Au toro suivant, le troisième, une autre alchimie surgit et s'imposa comme une évidence. Qu'avaient donc, en plus, toro et torero pour à ce point venir nous chercher au fond de notre indolence ? Une pointe d'envie en plus pour le toro, qui pourtant ne dura pas, et chez José Garrido, nous sembla-t-il, une de ces insolences décidée, une présence moins subie, qui fit toute une différence. Et quand Sospechor, 503 kilos, commença à mesurer son souffle, c'est Garrido qui lui donna l'envie de poursuivre le combat. Bel échange, dans l'essentiel des choses. On appelle ça toréer. L'épée limpide et totale qu'il enfouit au premier envoi cacheta impeccablement le message. Mais les voies coronaires sont impénétrables ! Le toro, une épée toute entière fichée dans le dos, tarda infiniment à rendre l'âme. De longues minutes. Et la pétition, bruyante mais peu majoritaire (ah les sondages !...) ne parvint pas à convaincre Anabel Moreno Muela, la présidente.

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Le quatrième toro - second de Juan Bautista - avait l'air, tout au long des deux premiers tercios, de se trimbaler une brave xylella. Il fut changé après une seconde pique titubante. Mais le torero arlésien ne parut pas lui-même, devant le remplaçant, qui fêtait juste ses quatre ans et portait lourdement ses 592 kilos, en très grande forme.
On changea aussi le cinquième (ces gens-là s'en foutent donc, de l'heure à laquelle on peut se mettre à table ?), invalide et abruti. Le sixième était compliqué, tout sauf évident. Garrido prouva, là aussi, qu'il ne lâcherait rien. Engagement, suite dans les idées, épée majuscule. La présidente, là, dût lâcher le mouchoir...

Mais la véritable marque de cet après-midi, c'est le nombre invraisemblable de discussions perpendiculaires que tout le monde conduisit avec ses voisins de droite, puis ceux de gauche, pendant toute la corrida. Chacun y alla de ses souvenirs d'arène, puis de fêtes, de quelques projets incertains, d'une mère malade ou de recettes de cuisine. Bref, tout le monde était ailleurs, comme les toros et presque tous les toreros. Presque.

Mercredi de farolillos, six toros d'El Pilar et Moisés Fraile pour :
Juan Bautista, corail d'oursin des Saintes et noir, silence et silence.
López Simón, violet nuit et noir, silence et silence.
José Garrido, vuelta et une oreille.

 

On s'excuse, mais si près des arènes, au numéro 21 de la calle Pastor y Landero, Le Septimó reste la meilleure adresse pour déguster des vins originaux et des tapas comme nulle part ailleurs. Chipirons, pied de porc, boudin fin, tartare de gambas, c'est L'adresse majuscule. Vraiment.

 

Demain, six toros de Jandilla-Vegahermosa pour Antonio Ferrera, Julian Lopez El Juli et Andres Roca Rey.