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La convergence des luttes

Trois jours après la victoire des socialistes aux élections générales espagnoles, la traditionnelle manifestation du premier mai s'est déroulée à Séville sous un soleil de plomb. Et dans un calme et une ambiance qui n'avaient pas grand chose à voir avec les images que l'on recevait de Paris.
Dans l'arène, la seule convergence des luttes qui vaille est illustrée par les efforts des uns et des autres, banderilleros, picadors et matadors, chacun bataillant dans un seul et même but. Mais c'est comme une belle manif, ça ne suffit pas toujours.
"Aujourd'hui, on va être tranquilles. Demain, c'est moins sûr..." Paco, le placier de la sombra alta 6, nous accueille sans impatience. Demain, c'est Morante et le Juli, ça risque de se bousculer. Aujourd'hui, les gradins resteront clairsemés. Pour lui, c'est l'assurance d'une après-midi sans stress. L'affiche du jour n'est pas de celles qui met le public en transe. Le public rechigne à prendre le risque d'aller voir de jeunes toreros qui se construisent encore, corrida après corrida. Le public préfère voir des vedettes qu'il a déjà vu cent fois. Il a sûrement tort. A moins que le prix des places n'empêche de faire les deux.
Le premier toro de Torrestrella avait de l'entrain et de la présence. Il prit deux belles piques et continua, dans la muleta, à manifester une belle envie. Malheureusement, José Garido ne sut pas trop qu'en faire. Comme du quatrième.
Avec un toro décomposé et sans classe, Joaquín Galdos réussit, de la main gauche, à dessiner deux séries. Puis deux à droite, au petit trot. Intéressant, comme on dit en lisant la recette d'un plat dont on sait qu'on ne le mangera pas. C'est au cinquième de l'après-midi, Lucero, un burraco certes un peu effacé mais ne manquant pas de fond, qu'il sut trouver la distance et le rythme. Malheureusement, à l'épée, il se priva lui-même de dessert.
Alfonso Cadaval, sévillan des quatre quartiers, est le fils d'un des comiques les plus connus d'Espagne, la moitié du duo Los Morancos, une sorte de Frères Ennemis dont aucun des deux n'aurait disparu. Il connut ce que son père a dû vivre à ses tout débuts : un sketch pas drôle, qui exaspéra le public. Le sixième était peut-être le meilleur de la bande. Mais Cadaval, devant lui et une fois de plus, discuta dans le vide.

Seconde corrida de la feria de Séville (troisième de l'abonnement)
Demie entrée, 30 degrés
Six toros de Torrestrella pour
José Garrido, vert bouteille et or, saluts et silence
Joaquín Galdós, évêque et or, saluts et vuelta
Alfonso Cadaval, silence et silence

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Sinon : les mâts de Séville, ceux des lampadaires de la Ronda, ceux de Los Remedios sur le chemin du campo de feria ou dans d'autres endroits clés de la ville, sont presque tous ornés d'un oriflamme publicitaire qui vante l'exposition, à la Casa Palacio de la Condesa de Lebrija, dans la calle Cuna, de tableaux de Rubens. Avant d'être happés par les journées surchargées de feria, on est donc allé rendre visite à Peter Paul Rubens et à ses corps importants. On n'aurait pas dû : douze euros l'entrée pour... deux tableaux ! "Deyamira tentée par la furie" et "Hercule dans le jardin des Hespérides" sont certes deux oeuvres importantes du maitre flamand, mais dans le genre attaque à mains armées, la fondation privée en question se pose un peu là !... Car le reste du Palais était avant-hier fermé au public. Tout le premier étage, qui se visite habituellement, et qui présente quelques toiles de petits maîtres flamands, était inaccessible. On se contenta donc des deux patios fantastiques ombragés, divines aberrations privées en plein centre ville.

On conseillera à ceux qui ont soif de peinture de fréquenter plutôt le Musée des Beaux Arts, rempli d'oeuvres de Murillo et de Zurbaran, et dont l'entrée est gratuite pour tous les citoyens européens ! Une mesure qui milite peut-être plus sûrement pour l'Europe que la pièce de théâtre de Bernard-Henri Lévy.
Aux passants de la calle Cuna (près de Campana), on recommandera, au bar du rez-de-chaussée du restaurant "Cuna 2" tout proche, les croquettes à la noix de coco et à la menthe, dont l'intitulé vous laisse sceptique, mais la dégustation au paradis des gourmets.