Juan-portrait entre les cornes

Juan Leal, le retour de la vie

 

1- Traverser le désert

A la fin de la saison 2019, le torero français Juan Leal passait pour une des promesses les plus fortes de l’escalafon. « C’est la saison de son éclosion définitive » titrait le site Mundotoro, en rappelant ses triomphes définitifs à Nîmes, Bilbao, Ciudad Real, Béziers, San Sebastian, Madrid…

Au cœur de l’hiver, se construisit alors une temporada 2020 exceptionnelle, et Juan Leal fut annoncé à Arles (en mano a mano avec Alejandro Talavante qui le choisit comme compagnon de cartel pour la corrida de son grand retour dans les arènes), à Valence, Séville, Madrid, Pampelune…

Mais finalement, aucune de ces corridas ne se tiendra. Quelques semaines plus tard, l’épidémie de Coronavirus déferlait sur l’Europe, et une à une, en Espagne comme en France, toutes les férias furent annulées.

Il fallut alors prendre son mal en patience. Entre confinement et entrainements au campo, les semaines puis les mois passèrent. Et quand enfin, on put imaginer, même rarement, même avec des jauges limitées, organiser à nouveau des corridas, on s’aperçut que les promesses de l’automne s’étaient envolées. Les places étaient limitées, et les vedettes se les partageaient…

Mais pour l'instant, nous sommes en janvier 2020, et on ne parle pas encore d'épidémie...

 

2- Le retour aux arènes

Et toujours ce malentendu ! Combien de fois a-t-on entendu certains aficionados tordre le nez devant la tauromachie de Juan, trop téméraire à leur goût. « Toréer, ce n’est pas faire peur aux gens ! » entendait-on. « C’est s’adapter à chaque toro, et essayer de créer de la beauté, de la douceur, en un mot, de l’art !... »

Comme si l’art consistait uniquement à réconcilier les âmes avec un monde qui va de travers. Comme si la tauromachie, en devenant précieuse et en gommant la violence du combat, devait consoler de tout, pour permettre que rien ne change.

L’histoire de la tauromachie, pour qui veut bien s’y intéresser, est aussi pleine de toreros de rupture, qui regardent en face la sauvagerie du toro brave et qui s’y affrontent pour faire reculer toujours plus les limites des existences contraintes.

La tauromachie n’est pas qu’une histoire d’esthétique. La philosophie y a aussi largement sa part, qui pose de bien des manières les questions fondamentales de l’existence. De ces deux écoles, un véritable aficionado devrait aimer l’une et respecter l’autre.  

Juan Leal n’a jamais caché que ce qui lui plaisait vraiment, c’était de se confronter, tout de suite et au plus près, à la sauvagerie d’un toro pas encore dompté.

Retour sur ces malentendus, sur le travail réalisé au campo pour les résoudre, et sur  l’impression que, durant cette saison 2022, certains ont commencé à comprendre…

 

 

3- Nîmes

La saison 2022 a été, pour Juan Leal, marquée par de nombreux triomphes. Petit à petit, Juan reconstruit patiemment, à force d'engagement et de rigueur, le chemin de succès qui l'avait fait, juste avant la pandémie, affirmer son rang parmi les meilleurs.

Mais une date parmi toutes a marqué les aficionados : le 17 septembre, dans les arènes de Nîmes, au cours d'une corrida de Victoriano del Rio pour laquelle il partageait l'affiche avec le péruvien Andres Roca rey et le jeune mexicain Isaac Fonseca, Juan Leal, blessé par son premier toro, choisit de revenir en piste malgré l'avis des médecins. Là, il est à nouveau violemment soulevé par le second Victoriano. Il fait alors preuve d'un courage hors norme comme dans un état second, mais il est, dans une ambiance hallucinante, évacué de force par sa cuadrilla...

Quelques jours plus tard, de son lit d'hôpital, il racontera la scène à nos confrères de Midi Libre :

"Je me rappelle avoir un très bon premier toro, et une très jolie connexion avec le public nîmois. Sortir d'une série, voir les spectateurs debout : c'était un joli moment à vivre et j'en garde le souvenir, malgré les séquelles et les douleurs. Après la voltereta, j'ai ressenti une douleur très forte, j'avais beaucoup de mal à respirer. Je suis rentré à l'infirmerie après avoir tué mon toro et afin que je puisse ressortir affronter le second, on m'a anesthésié la zone douloureuse. En fait, j'ai fait une réaction à cette anesthésie.

Que s'est-il passé ?

J'ai seulement des flashes de la suite. Je ne sentais plus mes jambes, mon corps ne répondait plus, je ne voyais plus très bien. Cette réaction a commencé quand je suis sorti de l'infirmerie, on pensait que ça allait passer mais les effets ont été de plus en plus forts jusqu'au moment où mon corps ne répondait quasiment plus. Devant mon second toro, je me revois à un moment donné à la cape, mes bras ne répondent pas et je le vois me venir droit dessus. Puis à la muleta, je me souviens du début de faena, je ne voyais pas très bien et puis le toro m'attrape encore.

On m'a raconté la suite... On m'a ramené à l'infirmerie, j'y ai perdu connaissance, il y a eu des moments assez critiques, apparemment je n'arrivais plus à respirer (lire ci-dessous). J'ai été évacué vers l'hôpital où je me suis réveillé, c'est à partir de là que j'ai à nouveau des souvenirs. Après avoir éliminé toute l'anesthésie, aujourd'hui (ce dimanche, NDLR), il reste seulement la forte douleur aux côtes. J'ai même du mal à marcher."