Il faudra bien un jour que les gens qui, chez nous, se prétendent aficionados, acceptent de regarder Alejandro Talavante en face, comme le torero important du moment.
Hier, à Pamplona, il a, à son second toro de Jandilla, servi la faena juste, engagée et rayonnante que méritait cet animal plein de fond, et cette arène hors du commun...
Lorsqu'on arrive à Pampelune en pleine Feria de San Fermin, et qu'on se présente aux arènes pour sa première corrida, on est toujours (enfin, là, je parle pour moi) totalement abasourdi par cette ambiance de démesure, de confusion et d'excès à laquelle il est difficile de s'adapter. Et cela coûte (enfin, là, je parle pour moi) d'arriver à se concentrer pour réellement voir ce qui se passe en piste. On dit "voir" parce que, pour ce qui est d'entendre, on repassera. Après le 14 juillet. D'ici là, impossible d'entendre autre chose que cette rumeur hystérique, mélange assourdissant de vingt bandas qui jouent en même temps vingt morceaux différents, de chansons et de mille conversations qui tentent vainement de passer au dessus du vacarme...
Je ne suis pas près d'émettre un jugement définitif sur l'aficion de Pampelune : lorsqu'on comprend aussi peu tout ce qui se passe autour de soi, la moindre des choses, c'est de ne pas juger... Bref, pour les grands discours sur le manque de respect du Toro, des toreros, tout ce charabia, on repassera.
Tout juste regrettera-t-on simplement que le brouhaha général empêche de respirer avec les autres : une corrida prend forme dans le public quand commence à circuler lentement, peu à peu dans les gradins, des sentiments partagés qui s'imposent, et construisent une opinion. Ici, chacun est seul, isolé par le bruit qu'il ne fait pas.
On a aimé que malgré ça, on ait pu voir, chacun tout seul, Talavante aussi exceptionnel.
Photo Maurice Berho
Talavante, dont l'année 2016 est l'année. Ce que les organisateurs français, et c'est bien dommage, n'ont pas encore compris...