Quatrième épisode
Par Elvire Oliu Imbart
Bertrand Libron était commissaire de la sous-division de la brigade anti-terroriste en charge de surveiller les animalistes et autres obsédés de la cause animale. Lui même continuait à s’étonner régulièrement du pourquoi de sa mission. Vers quelle société allait-on pour que les impôts des contribuables servent entre autres à surveiller des ayatollahs de la défense des animaux ? Qu’est-ce qui avait foiré à ce point pour que certains veuillent imposer une société végétarienne et végétalienne où manger des racines de pissenlit allait devenir une norme ? Depuis quand bouffer une côte de bœuf était-il un acte de résistance ? Toutes ces questions se bousculaient régulièrement dans sa tête…
Il se dirigeait dans un bar du huitième en portant un épais dossier. Il craignait de perdre des documents, aussi fut-il content d’arriver.
Il repéra tout de suite son vieil ami vautré dans un fauteuil rouge.
Pierre Fosca se leva et lui colla une chaleureuse accolade...
- Content de te voir mon vieux, comment va ?
- Bien, bien merci et toi ? Bon, ça à l’air compliqué ton enquête, j’ai été surpris de ton appel. Depuis quand tu t’intéresses au terrorisme animaliste ? Je te préviens, c’est pas beau à voir ! J’ai les documents demandés et ton type, là, Cyprien Lalonde, c’est pas un enfant de chœur… mais on l’a jamais coincé.
- Vas-y explique moi, je suis largué. Je pensais à des illuminés qui veulent sauver la maman de Bambi, et là ma source me parle de « véganisme » et de nazis…
Bertrand Libron regarda Fosca avec des yeux presque transparents… Il lui posa la main sur l’épaule :
- Mon vieux, va falloir les avoir bien accrochées, et commander à boire si tu veux non seulement savoir mais tenter de comprendre vers quelle merde on va…
- Champagne ! répondit Fosca au premier serveur qui passait par là…
- Bon alors sache d’abord que nous sommes dans un mode de fonctionnement qui répond à toutes les caractéristiques d’une activité terroriste : extorsion de fond, violences, racket et… meurtres aussi. Le monde de ce qu’on appelle le véganisme est un ramassis de fachos avec en tête le mouvement de l’Animal Libération Front…
- Mais c’est quoi le véganisme, et quel rapport avec la protection des animaux ?
- C’est lié : le véganisme est une philosophie qui vise à exclure toutes les formes d’exploitations des animaux… tu vois le truc ? Tu ne bouffes plus rien, tu t’habilles en plastique et tu tentes de ne plus baiser de chèvres… ha ha ha ha
L’humour de Libron était toujours limite, sans compter qu’il ne supportait pas l’alcool. Fosca secoua la tête légèrement.
- Et Lalonde dans tout ça ?
- J’y viens... Je t’ai évoqué l’ALF tout à l’heure. Bon, ce Lalonde a des liens avec eux.
Libron sortit de son dossier des clichés montrant Lalonde en compagnie de deux types du genre skinhead. Fosca les regarda longuement.
- Les deux types là sont néerlandais. Ils sont fichés dans leur pays comme « éco-terroristes » ils sont accusés d’avoir posé des bombes sur des parkings de laboratoires utilisant des animaux et chez nous...
- Chez nous quoi ?... demanda Fosca, se demandant pourquoi Libron faisait durer le suspense.
- …d’avoir déboulonné la statue de Nimeño II à Nîmes, et d’avoir blessé grièvement un employé municipal qui nettoyait le parvis à deux pas de la statue.
Fosca avait vaguement entendu parler de ce drame à Nîmes il y a quelques mois… Et si tout était lié… Il était largué, et tentait de raisonner.
- Ecoute Fosca, ton enquête, ton type des toros enlevé et perdu dans la nature... Si tu veux mon avis ça peut être l’ALF. Tu te doutes que supprimer la corrida, c’est une priorité de toutes les associations animalistes. Et le mode opératoire correspond bien aux deux gus dont je t’ai parlé. Ils ont des liens partout, et ils peuvent être simplement commanditaires, et avoir fait faire le sale boulot par un autre. C’est pas ce qui manque les petites frappes. En tout cas laisse moi te dire que ça pue pour ton gars.
Fosca ramassa les documents de Libron. Il avait la preuve du lien de Lalonde et de l’ALF, mais il lui manquait encore des éléments. Il allait mettre son équipe sur le coup. De toute façon, il n’avait pas d’autres pistes.
Libron se leva de son fauteuil.
- Faut que j’y aille, tu sais, je suis toujours marié… Allez à bientôt… Et bienvenue dans le Reich Animaliste. Tu vas pas être déçu…
(à suivre samedi prochain)
Elvire Oliu Imbart est née en 1983. Catalane des deux côtés. Jeunesse à Montpellier puis Madrid et Almeria, où elle termine des études de lettres hispaniques, et Paris pour passer son diplôme de journalisme. Elle vit à Paris où elle exerce cette profession. Elle est mère d'une fillette "née 15 jours après la tarde historique de José Tomas à Nîmes en 2012 qui s'appelle Joséphine (mais c'est pas QUE pour ça...)". Les toros depuis toujours. Oloroso est sa première fiction...