nimeno

25 novembre

"Allongé sur son lit, le drap remonté jusque sous le menton, cette image de Christian m’était familière…

C’était celle des chambres d’hôtel que nous avions partagées, des hôpitaux où je l’avais veillé. Je me suis allongé contre lui, luttant contre le désir de me glisser sous le drap.

J’ai posé ma main sur sa tête, j’ai caressé ses cheveux, ses sourcils… Ses paupières étaient fermées… Comme tombée de ses cils encore humides, sur sa joue droite, la larme noire de son grain de beauté…

Pas de barbe, ou si peu sur ses joues creuses et son menton. Une voix espagnole, venue du passé, a dit joyeusement : « Tu as de la chance, il te suffit d’une gomme pour te raser ! »

Une grand douceur lissait les traits de son visage. La mort, malgré sa violence, avait effacé toutes les traces de ses souffrances, et Christian semblait dormir…

Je n’osais plus bouger, plus même lui chuchoter encore un mot… Ma main avait quitté la sienne, pour bâillonner ma bouche…

Un coup de corne, un coup de corde… La cruauté des mots m’a transpercé l’esprit.

Dehors, bientôt, répétés par mille voix, les mots cesseraient de jouer ; ils redeviendraient juste : Nimeño s’est suicidé."

 

Alain Montcouquiol, Recouvre-le de lumière, Verdier 1997

Le 25 novembre 1991, il y a tout juste vingt-cinq ans, Christian Montcouquiol Nimeño II se donnait la mort dans sa maison de Caveirac, près de Nîmes.