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Séville 28 avril 2017 changer

On a changé de quartier. Après dix ans passés à la Puerta de la Carne, dans le tremblement des autocars de la gare routière et les nappes entêtantes des jasmins du coral de l'avenida de Cadiz, on se retrouve réfugiés dans l'entrelacs des ruelles piétonnes du quartier de San Pablo. Silence. Tranquilles. Dans un nouveau territoire, la première inquiétude concerne toujours la presse, puis le petit déjeuner. Impensable de renoncer à la lecture du journal devant l'orange pressée et la demi-tartine jambon-huile du matin. Un régime est un régime. Ce matin, sous la tiède pluie entêtante, j'ai testé la "Abaceria JM", juste en face de l'église de la Magdalena. Un bar de quartier, à côté d'un kiosque à journaux et à friandises de quartier. Très bonne pioche : le jambon fond, l'huile est parfumée, le café pointu et l'orange ronde. 4 euros 20. J'ai trouvé mon spot du matin !
IMG_6265Pour le reste (les livres), que mes amis, à qui j'impose depuis des années à Séville un détour place des Terceros, par mon bouquiniste favori, sachent qu'il en existe un autre, à cinquante mètres juste au début de la calle Sol, et que ça fait onze ans que je passe devant sans le voir. Comme quoi, quand on prétend tracer la route le nez en l'air, on n'est jamais au bout de ses découvertes. J'y ai trouvé hier matin les mémoires ("Memorias... casi de memoria") de Juan Cortes Salido, journaliste taurin pendant 43 ans, impresario pendant 30 (il dirigea longtemps les arènes de Malaga), et franquiste de toute la vie. Juan Cortes Salido est du genre à commencer un chapitre par ces mots "Malgré tout ce qui se dit et s'écrit sur la dictature, une chose est sûre : elle a été accueillie avec jubilation dans toute l'Espagne..." Bref, une belle lecture d'entre deux tours...
A une heure quinze, l'hôtel Colon accueille chaque jour dans ses salons modernes, luxueux et laids, un "apéritif taurin" qui rassemble un torero, un journaliste, et une personnalité accréditée. Aujourd'hui, le torero était Emilio de Justo, le journaliste Alvaro Acevedo ("Les taurins qui aujourd'hui dirigent les affaires de la fiesta des toros sont les pires que j'ai jamais connu. À Séville, le Président de la corrida, l'empresa, les toreros, ont permis hier que soit lidiée une corrida scandaleuse, indéfendable pour cette arène") et la personnalité notre philosophe en chef Francis Wolff ("On n'a jamais vu, dans aucune arène au monde, une corrida refusée pour excès de poids ou de volume..."). Quand on arrivait à entendre ce qui se disait, c'était assez intéressant. Mais les sévillans sont toujours aussi mal élevés, qui ont du respect commun une définition transparente...

Le dernier numéro de "Cuaderno de Tauromaquia", la remarquable revue d'Alvaro Acevedo...

Le dernier numéro de "Cuaderno de Tauromaquia", la remarquable revue d'Alvaro Acevedo...

La fameuse bâche qui recouvre depuis quelques années, les jours de pluie, le sable des arènes de la Maestranza de Séville, et qui est presqu'aussi photographiée que le clocher de la cathédrale, pèse près de trois tonnes. On s'en fout. À 17h50 précises, Elle était pliée en douze dans les souterrains de l'arène.

"Ça serait bien que ce soit mieux". En s'asseyant sur les gradins des arènes, un peu avant six heures trente, et en se remémorant la corrida d'hier, cartel étoile du cycle qui déçut les aficionados, on se disait ça : ça serait bien que ce soit mieux... C'était aujourd'hui le second rendez-vous des vedettes, avec Enrique Ponce et Jose Mari Manzanares en tête de gondole. Les gondoles, justement :
"Con lo que esta cayendo !" Vu ce qui tombe... est la phrase qu'on entend le plus souvent à Séville depuis vingt-quatre heures. La pluie fine, en averses soudaines ou continues, vient jeter sur la fête comme un vent coulis désagréable. Un air de Hénin-Beaumont...
En tauromachie, on en conviendra, tout est répétition. D'où vient alors que cette tauromachie de lenteur épuisée, dans laquelle excellent Ponce et Manzanares, et qu'ils déplient comme des petits mouchoirs brodés chaque fois que des toros à bout de souffle les laissent faire, a de plus en plus de mal à me bouger les tripes ? Dominer la faiblesse, est-ce vraiment devenue la perfection tauromachique ? Ou alors c'est moi : trop de soucis. Après tout, il faudrait peut-être éviter d'organiser des Férias entre les deux tours des élections présidentielles... Bien sûr, il y a encore des gestes. Comme l'estocade a recibir de Manzanares à son premier adversaire. Ou la cape de Ponce. Ou le solo de trompette après sa vuelta. Six toros, deux oreilles. Et presque rien.

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Enrique Ponce, lilas blanc et or, silence et silence
Jose Mari Manzanares, bleu nuit du 15 août et or, oreille et oreille
Alberto Lopez Simon, framboise mûre et or, saluts aux tiers et ovation