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Séville 12 avril 2018 Parler

L’Espagne toute entière résonnait ces jours derniers d’un de ces scandales majuscules que seule sa classe politique, blette et pourrie jusqu’au dernier pépin, semble pouvoir encore inventer, année après année. La Présidente de la Communauté de Madrid, Cristina Cifuentes, prétend sur son CV officiel être titulaire d’un master en droit autonomique de l’Université Roi Juan Carlos. Il semblerait bien que ce diplôme, elle l’ait surtout obtenu dans ses rêves, et que les documents qu’elle a fournis sont des faux. L’affaire fait un bruit énorme, qui menace jusqu’à la coalition fragile PP-Ciudadanos au pouvoir dans la région capitale. A une époque où l'on estime qu’entre 600 et 800 000 personnes conduisent sans permis en France, on peut se demander si ce genre de coquetterie justifie vraiment que tombe un gouvernement, fut-il régional. Mais c’est bien sûr toute la question de la parole publique qui se pose ici… Et Madame Cifuentes va devoir faire ses cartons.

Une chose est certaine : personne ne pourra contester au grand Curro Romero le cinquième prix de culture de l’Université de Séville : il l’a reçu, hier mercredi 11 avril, en grandes pompes et en public, des mains de Miguel Angel Castro, son recteur. Tout Séville était là, et la médaille n'est pas en chocolat.

Pourtant, comme il l'a rappelé au début de son discours de remerciement, à l’Université, Curro Romero n’y a jamais mis les pieds. Il était dans sa jeunesse, avant d’empoigner les trastos et la gloire, apprenti préparateur dans l’arrière-boutique d’une pharmacie de Camas. Il a plutôt suivi, comme il dit, « les chemins semés d’épines » de l’Université de la vie. Il a écouté les discours d'une demi-douzaine de personnalités très en vue - dont on vérifiera les CV, c'est promis - puis termina le sien par ces mots : « J’aimerais dire tant de choses, mais c’est tellement ennuyeux de tant parler !... » Paroles de Pharaon…

Il a plu toute la journée en ville, et les travaux de Giralda se sont même interrompus au plus fort des bourrasques. Les échafaudages cliquetaient sinistrement. Le chantier, qui débute cette semaine, a pour objet de nettoyer tous les murs de la façade sud, pour enlever définitivement l'enduit posé en 1990 qui détériore de façon préjudiciable la magnifique couleur de la pierre. L'ingénieur qui avait décidé de l'opération il y a vingt huit ans doit être aujourd'hui à la retraite. Il y a bien longtemps que son master en traitement de façades est périmé...

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Sous la violence du vent, un arbre est tombé jeudi après-midi sur le Paseo Colon, tout près des arènes de la Maestranza.

À 18 h 30, à l'heure du paseo, le ciel de Séville faisait peser sur les arènes une sale ambiance de cercueil plombé. Au dehors, par dessus les toits de Triana, on apercevait des encres de Münch accrochées au clocher de la Ô. La rumeur parlait d'une tornade. On se croyait à Trouville vers huit heures du soir, quand les Macron sortent leur chien d'appartement. Le contraire du soleil et des mouches que réclame la légende taurine. La pluie s'était arrêtée le temps que l'on rejoigne la Maestranza. Mais sitôt que le cheval du premier picador, Félix Majada, se fût faufilé dans le callejon, son forfait accompli, le ciel s'ouvrit à nouveau. Abat d'eau. Dans un long frôlement d'ailes de chauve-souris, cinq cent parapluies s'ouvrirent tous ensemble. Pendant ce temps, Luis Bolivar peinait en silence devant un toro incertain.

Le second était un animal vif, décidé, surtout à charger les leurres ou tout ce qui pouvait y ressembler. Des capes, un cheval, un banderillero, une ombre sur le sable. Car devant tant d'envie, le soleil refit brusquement sa réapparition. En une minute, le ciel, resplendissant et immaculé, racontait une autre histoire : ici, il n'avait jamais plu... De l'envie bouillonnante et généreuse de Goloso (518 kg), Joselito Adame tarda à savoir que faire. Il déplia longuement ce cadeau très exigeant, considérant le papier qui l'emballait, le plia et le mis de côté. Puis il se mit à caresser les rubans, mais il était trop tard.

Au troisième de l'après-midi, Rafael Serna templa très longuement un animal à bout de force qui chargeait au ralenti. Mais au ralenti de sa flemme et de sa faiblesse. Tout ça ne fit pas une faena. Rafael Serna n'a toréé pour l'instant qu'un seul toro en tant que matador. Celui de son alternative, en septembre dernier, ici même, qui lui infligea une grave blessure. C'est donc aujourd'hui sa seconde corrida, et il lui sera beaucoup pardonné.

On ne sait pas si Luis Bolivar rencontrera cette année beaucoup de toros comme ce Destilado qui sortit en quatrième position. C'est tout ce qu'on lui souhaite. Mais il peina pour atteindre le niveau que l'animal permettait. Et il n'y arriva pas. Une grande estocade et les conditions propres du toro lui permirent de couper une oreille. Mais on avait eu l'étrange sentiment d'un Jean-Pierre Pernault faisant semblant de poser de vraies questions...

Pour les deux derniers toros, la pluie revint, dense et froide, en même temps qu'une lumière de lavabos publics roumains. Enfin, l'idée qu'on s'en fait. Triste. Sinon, rien.

Jeudi 12 avril 2018. Deuxième corrida de la Féria de Séville.
Six toros de La Palmosilla, d'origine Osborne par la maison Nuñez del Cuvillo, magnifiquement présentés pour :
Luis Bolivar, rouge sang et or, silence et une oreille.
Joselito Adame, caramel au sel de Guérande et or, silence après deux avis et silence.
Rafael Serna, bleu ciel du 15 août et or, saluts aux tiers et silence.

"Nostalgia", numéro 70, le premier toro de La Palmosilla à fouler le sable de la Maestranza...

"Nostalgia", numéro 70, le premier toro de La Palmosilla à fouler le sable de la Maestranza...

 

Pour ceux que ça intéresse, la mode féminine semble être cette année aux semelles compensées et aux bas de pantalons en pattes d'éléphant. Ça ne nous rajeunit pas.
Juste en face de l'église de la Magdalena, sur la place San Pablo, la Abaderia JM propose de merveilleux pois chiches aux blettes (acelgas). Nous les préconisons.

Demain vendredi, six toros de Garcia Jimenez, Olga Jimenez et Peña de Francia (Salamanque) pour Miguel Ángel Perera, Alejandro Talavante et Roca Rey.