Israel-Galvan-Antonio_Pizarro

Séville 13 avril 2018 danser

"Il y a deux choses que je déteste plus que tout au monde, disait l'autre : la xénophobie, et les gitans"...

Comme par hasard, et si l’on en croit les services (d’état !) de l’agence météorologique AEMET, la pluie devrait s’arrêter ce vendredi à 14 heures. Comme par hasard. Francisco, le placier de la grada 4 des arènes, avec qui je commente chaque année mon retour et le sien (- Un an de plus, dis-je ; - Dieu l’a voulu, répond-il) me disait hier qu’il n’avait pas cessé de pleuvoir depuis le 27 février dernier. Devant mes yeux ronds, il a ajouté dans un murmure : - Enfin, à part quatre ou cinq jours de soleil… Mais quand même. Les barrages, qui mesurent ici l’état réel des réserves d’eau sont pleins, rebondis comme le ventre d’un sénateur du Partido Popular au sortir d’un séminaire sur l’économie deux point zéro. Et comme par hasard, l’AEMET annonce ce matin que le vent, qui vient du sud-ouest depuis des semaines, devrait tourner dans l’après-midi au nord-est, et installer pour une semaine au moins un régime de temps sec et ensoleillé. Et que les températures devraient augmenter de dix degrés d’ici à mardi. Comme par hasard. Le fait que la féria commence demain soir, et que l’accrochage des farolillos, les milliers de petites lanternes en papier qui illuminent les rues et les cassettes, ne puisse pas s’effectuer sous la pluie, tout ça n’a bien sûr rien à voir. Bien sûr. Et c’est un avion qui s’est écrasé sur le Pentagone, évidemment…

Dans la rue Doña Maria Coronel, entre San Pedro et San Roman, une maison s'est effondrée avant-hier. Des travaux dans les étages, et les pluies répétées ont provoqué un impressionnant désastre, et quelques blessés légers. Le fait que j'ai habité presque en face pendant trois ans, entre 2005 et 2008, ça aussi, bien sûr, c'est un hasard ?...

Israel Galvan, dynamiteur virtuose du flamenco de tradition était au début de la semaine la vedette de la conférence de presse de la Biennale de flamenco de la ville, qui aura lieu en septembre et débutera, le 7, par un spectacle du danseur sévillan dans les arènes de la Maestranza. On regarde la photo du journal, où on le voit sur les gradins des barreras d’ombre prendre une pose réputée audacieuse, avec un pantalon rose et un de ces petits gilets rembourrés que tout le monde à présent arbore, de François Fillon à Pharrell Williams, et on se demande ce qui va bien pouvoir arriver encore à ce merveilleux sable ocre protégé, derrière lui, par la fameuse bâche blanchâtre de chez Pagès… On aime beaucoup Israel Galvan, mais quand dans sa présentation, il parle d’incarner « toute la ritualité de la Fiesta, mais sans le sang », on sent venir, hélas, comme un macronisme de plus…

Israel-Galvan-2

 

Avec un peu de condescendance et une coupable complicité avec le système des entreprises de spectacles taurins, les commentateurs soulignent ce matin que, du côté des corridas, les choses sérieuses commencent enfin. Sympa pour les six toreros qui, depuis mercredi, ont ouvert la féria. Accessoirement, très sympa pour Roman, qui a pris un gros coup de corne dimanche dernier. Mais évidemment, ce soir, le cartel est de nature à remplir les tendidos, bref à faire gagner de l’argent. On verra donc le classique et souvent surprenant Miguel Ángel Perera, qui a triomphé à Olivenza, le classique et souvent pertinent Alejandro Talavante, qui a triomphé à Olivenza, et le jeune péruvien Andres Roca Rey, qui a triomphé ici dimanche de Résurrection, et qui pour l’instant bouscule avec bonheur et appétit les tableaux d’honneur préétablis. Les toros sont des frères et sœur Garcia Jimenez, un peu comme les décors peuvent être, ailleurs, de Roger Harth… Perera, Talavante et Roca Rey sont donc les toreros à voir et à revoir. L'an dernier, le premier a honoré 37 contrats (59 oreilles) ; le second 47 (53 oreilles) ; le troisième 55 (74 oreilles). Une mathématique qui ne dit rien, mais un peu quand même. Aussi, à 18h30, au moment où le paseo se mit en marche, un coup d'œil à l'arène suffit pour constater que nous avions changé de monde : plein soleil, et presque plein dans les tendidos.

La tauromachie qu'exigeait Charro, le premier toro de l'après-midi, n'est pas celle que viennent voir les sévillans. Lourd, faible et dangereux, il lançait sans prévenir des coups de tête sous les toiles de Perera. Il fallait se méfier, et on n'est pas là pour ça.
On n'est pas là non plus pour voir, au quatrième, le banderillero Curro Javier se faire quasiment couper en morceaux au sortir de sa seconde paire. Sauf que ce qui précéda, longue mise en suerte, avertissements, donna à son geste la grandeur d'un engagement total. Il prit tous les risques, les assuma, posa une paire dans le pire berceau, se fit attraper salement. Finalement, si, on était là pour ça, pouvu qu'il s'en relève, même en boitant. Arènes debout pour une longue et émouvante ovation.

Talavante passa un long moment sous le capot pour trouver les réglages du second, mais il put, pour quelques séries de la droite et de la gauche, déplier une muleta douce et lente. Hélas, plusieurs épées désordonnées le privèrent de toute considération.
Le cinquième renversa le picador, et sema la panique dans les toiles. Il s'appelait Sosito, c'est à dire à peu près exactement le contraire. Il retrouva un peu son nom dans un repli de la muleta, qu'il se mit à suivre benoîtement, près des planches, sans chercher grande noise à quiconque. Une douceur dont Talavante sut profiter aux pieds de la musique. Mais la douceur sans férocité n'écrit pas des histoires dont on se souvient longtemps. Grande épée, pétition, oreille.

Le ballet des boeufs pour changer les toros invalides

Le ballet des boeufs pour changer les toros invalides

Andres Roca Rey a une manière d'être dans l'arène et devant le toro très différente de ses compagnons. Son corps est plus fluide, plus naturel, comme si son costume de lumière était moins lourd, moins raide. Il y gagne une aisance qui se traduit en proximité, en familiarité avec le public.
Le troisième toro de l'après-midi était laid et mal foutu. Il ne fit qu'un tour distrait dans le ruedo. Il fut renvoyé pour boiterie, mais surtout pour déception.
Ce qui permit au premier toro remplaçant, lui aussi de l'élevage d'Olga Jimenez, d'entrer en piste. Filósofo, toro noir de 590 kilos, s'engouffra d'abord dans les capes avec envie, et application. On serait curieux de savoir ce qui, dans son comportement au campo, incita le mayoral à lui donner cet important patronyme. Parce que dans l'arène, on eut beau chercher du côté du stoïcisme ou de l'existentialisme, rien de clair ne surgit. Le philosophe commença à installer la fuite comme système, et Roca Rey dut le suivre jusqu'aux planches pour lui arracher quelques séries. La sagesse antique étant parfois impénétrable, mais pas toujours, un premier coup d'épée et une poignée de descabellos suffirent à en venir à bout.
Le sixième fut changé, lui aussi, pour mauvaise humeur du public plutôt que par défauts propres : il arrive un moment où les gens en ont marre de voir des toros laids, sans race, sans fond. Le Torrestrella de réserve eut la politesse de rester dans le ton, fade et ennuyeux, d'une corrida que nous avons déjà oublié.

Troisième corrida de la Feria d'avril
Sept toros de Garcia et Olga Jimenez (y compris le 3ème bis) et un de Torrestrella (6ème bis) pour :
Miguel Ángel Perera, vert 1/4 Perrier et or, silence et silence.
Alejandro Talavante, blanc et or, gant noir, silence et une oreille.
Andres Roca Rey, lilas pâle et or, saluts aux tiers et silence.

 

Alejandro Talavante

Alejandro Talavante

 

Au delà des jardins du Murillo, lorsqu'on descend vers le Mercado de la Carne, qui connaît une rénovation profonde et discrète, on emprunte l'avenue de Cadiz. Au numéro 9 se tient le restaurant Ancora, qui propose des riz à la poêle tout à fait réussis. Arroz negro, ou au poulet, aux fruits de mer, au poulpe, aux langoustines, à la ventrêche et aux artichauts. Mais surtout, si l'on peut se permettre, un riz au four avec du chorizo, du boudin, des pommes de terre, des tomates et des pois chiches. C'est celui-ci, qu'entre tous, nous préconisons...
En entrée, pour accompagner la Manzanilla, on prendra une assiette d'artichauts fris au jambon, sur lequel on a laissé un œuf, fris lui aussi.

Demain samedi, six toros de Victorino Martin pour Antonio Ferrera, Manuel Escribano et Daniel Luque.