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Le jour des Jacarandas

 

"Jacaranda".
C'est la réponse à une des questions qu'on vous posera le plus souvent dans les rues de Séville, pendant le joli mois de mai : "Mais qu'est-ce que c'est que ces arbres ? Comment s'appellent-ils ?" Répondez : "Des jacarandas". D'immenses ramures bleues violettes, qui illuminent les rues de la ville. Les Jacarandas, des flamboyants bleus, sont originaires d'Amérique du Sud. Ils prennent au printemps, à Séville, le relais des orangers, pour faire toujours de cette ville un jardin enchanté. Chaque année on demande. Chaque année on oublie. Pour ses adieux, ou le début d'iceux - il fera ici un ultime paséo à l'automne pour San Miguel - c'est la couleur qu'avait choisi le Cid pour son costume.
Le matin, on était allé près Lora del Rio, en remontant un peu le Guadalquivir vers sa source. Au grand rond point, à l'entrée du bourg, il ne faut pas se tromper : la route de droite, c'est pour aller chez Miura. Celle de gauche, pour monter jusqu'à l'élevage de Las Monjas. Ce n'est pas pour exactement le même sang. Nous sommes montés aux Monjas pour voir un entraînement de Juan Leal, qui prépare le début de sa saison à Madrid, dans 15 jours, le 25 mai prochain. La veille des élections européennes, ce serait chic qu'un français sorte par la grande porte de Las Ventas... Juan devait ce matin tuer deux toros en privé. Il n'en a tué qu'un. L'autre, d'une bravoure formidable, qui répétait ses charges avec un fond de caste impressionnant, Juan l'a tellement bien toréé, longuement, parfaitement, que l'éleveur lui a demandé la permission de le garder vivant, pour en faire un reproducteur. Indulto de campo. Moins bruyant, moins polémique, tout aussi important.

Manuel Jesús El Cid habite, lui, à l'entrée de Salteras, sur la quatre voies rapides, en face de la station-service. Une villa qu'il s'est payé avec la main gauche, à l'époque où il désoreillait avec succès les toros de Victorino Martin dans toute l'Espagne, et ici à Séville. Une main gauche sûre et courante, comme on dit de certains chiens de chasse, une main qui assura sa fortune. Il a décidé que cette année serait la dernière. Pas que la main gauche tremble, mais enfin les saisons se suivent... Et certains toros, comme le vif quatrième, vous le font cruellement sentir.
Miguel Ángel Perera ne fait rien pour plaire. Il déploie comme il veut sa trousse, s'installe devant le toro et raconte son histoire. Si belle, devant le second de l'après-midi, auquel il tira, comme les vers d'un nez, des séries douces et interminables. C'était un plaisir de le retrouver.
A la mi-septembre dernier, dans les arènes d'Albacete, un toro creva l'oeil de Paco Ureña. On crut bien sûr qu'on ne reverrait plus dans les ruedos ce clone inspiré de Pierre Etaix, torero fin et classique, doté d'une personnalité si particulière. Quand ce toro d'Alcurrucén lui infligea cette terrible blessure, Ureña terminait une saison décisive marquée enfin par des triomphes importants à Valence, Madrid et Pampelone. Mais Paco Ureña est bien là aujourd'hui. Et il torée avec classe et douceur.

Dixième corrida de la feria de Séville (onzième de l'abonnement)
Arène pleine aux trois-quarts
26 degrés
Six toros de Santiago Domecq pour :
Manuel Jesús El Cid : jacaranda et or ; saluts et silence.
Miguel Ángel Perera : bútano et or ; oreille et saluts.
Paco Ureña : bútano et or ; saluts et silence

Sinon : c'est la période des escargots. Caracoles dans les meilleures maisons jusqu'à la fin du mois de mai. De minuscules gastéropodes que l'on aspire, et dont on suce infiniment la coquille, pleine d'une sauce claire aux herbes, légère et très aromatisée. Attention, on ne confondra pas avec les cabrillas, des escargots plus gros, plus communs. Bons, aussi, mais pas aussi "rares" que les caracoles.
Les caracoles font partie de la gastronomie de la marisma. Des recettes nées de la faim, pleines d'herbes sauvages, des petits oiseaux et des animaux qui vivent dans le delta.
Il existe à Séville de très nombreux endroits où déguster de bons caracoles. Mais les meilleurs se servent sans doute à Santiponce, dans un petit bar, El Camino del Rocio, sur l'avenue principale. Un bar qui n'ouvre que pour la saison des escargots, de mai à juin, et presque tout entier destiné à eux et à leur sauce.

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La saison des bêtes à cornes

Si l'on cherche une autre expérience gastéropode, on prendra une voiture, jusqu'à Utrera (35 km au sud, par Dos Hermanas). Dans la rue de l'enfant perdu, le restaurant Besana Tapas propose des riz très recherchés. Et il lui arrive d'afficher à sa carte un riz aux escargots. On vérifiera au téléphone avant de prendre la route (Besana Tapas, Calle del niño perdido 955 86 38 04)

Jean-Michel Mariou