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Le contraire du coton

Il y a vingt deux ans, Jean-Baptiste Harang publiait chez Grasset un étrange roman intitulé "Le contraire du coton". Harang a toujours eu le sens du titre, qui publia l'année suivante "Les spaghettis d'Hitler"...

Le contraire du coton, c'étaient ce soir à Mont de Marsan les six toros âpres, violents, mobiles et agressifs, pleins de complications et de dangers que la famille Cebada Gago avait envoyé. Le contraire aussi des toros nobles de la corrida triomphale d'hier. Il est des situations dans lesquelles on aurait tort de traduire le mot espagnol "genio" par "génie", qui est pourtant une de ses acceptions. Le genio, en tauromachie, désigne le sale caractère imprévisible du toro, qui se traduit par des coups de tête inconsidérés au moment d'entrer dans la cape. Un toro qui a du genio vous saute les deux pattes en avant dans le tissu, en freinant des antérieurs et en donnant des coups de tête en l'air. Un essaim de guêpes.

Si l'on excepte l'excellent cinquième, dont nous aurons l'occasion de reparler, les toros de Cebada Gago sortirent tous avec des difficultés énormes, un danger permanent, une présence et une intensité dans les mauvaises intentions qui entretinrent tout au long de l'après-midi un intérêt indiscutable. Parce que la moitié étaient aussi toréables, pouvu qu'en face d'eux se trouvent des toreros prêts à payer content, à relever ce défi insensé.

Accrochés sèchement chacun à leur tour, Rafaelillo, Javier Castaño et Manuel Perez Mota ont fait honneur à leur habit de lumière, qui pour certains finit en lambeaux. Le coton en mille morceaux lacéré. Mais pas la lumière.

On vit aussi - et cela va de pair lorsque les hommes à cheval partagent l'engagement de leurs maitres - de grands tercios de piques : des toros partant du toril à l'appel du picador, traversant l'arène au galop pour s'écraser contre le matelas avec toute l'envie du monde. Juan José Esquivel au quatrième, et Tito Sandoval au cinquième, donnèrent un spectacle mémorable.

Le cinquième, justement : il s'appelait Dormilón, comme on nomme affectueusement un enfant qui dort beaucoup (c'est aussi, dans la nature, une marmotte). Lui, pour le coup, était parfaitement réveillé ! Il prit quatre piques en toute loi, et chargea inlassablement dans la muleta, sans présenter la moindre mauvaise intention. Seulement voilà. Javier Castaño, sévèrement accroché à son premier adversaire, arriva au combat avec les séquelles de cette guerre. Pas de temps pour la cellule de soutien psychologique. Dormilón était un toro brave, mais d'une grande noblesse, un toro sans vice caché, qui mettait franchement la tête dans les étoffes, et qui aurait certainement offert tout ce qu'il avait d'oreilles à Javier Castaño, si seulement celui-ce s'était confié, relâché, avait accepté d'être un complice au lieu d'un adversaire. Mais Castaño a livré trop de sales guerres. Il a dans la tête toutes les vermines qu'il a dû affronter depuis tant d'années de corridas dures. Et il a continué à craindre Dormilón pour tous les défauts qu'il n'avait pas...

Rafaelillo et Perez Mota livrèrent de terribles et beaux combats, francs et engagés, et le public, enfin, fut à la hauteur du rendez-vous, même s'il mit du temps à entrer dans cette danse du diable, et à demander pour les toreros les récompenses qu'ils méritaient.

Rafaelillo et son picador Juan José Esquivel partagent une vuelta triomphale

Rafaelillo et son picador Juan José Esquivel partagent une vuelta triomphale

 

Autrement, le tourin à la tomate et les coeurs de canard du Plumaçon, quelques minutes avant la grande montée vers l'Alpes d'Huez, firent merveille...

 

Mont de Marsan, arènes du Plumaçon, quatrième corrida de la féria de la Madeleine. Plein.

Six toros de Cebada Gago

Rafaelillo, vuelta et oreille

Javier Castaño, ovation et silence

Manuel Perez Mota, oreille et ovation

 

La vidéo du tercio de piques du cinquième toro, à charge du picador Tito Sandoval :