Nuestro-Padre-Jesus-del-Silencio-en-el-Desprecio-de-Herodes-768x802

Journal de Séville ; dimanche 2 avril

 

Bien
Vers neuf heures, la ville est encore vide. Propre sous le grand soleil levant. On sent qu’il va se passer quelque chose. Au début de la calle Féria, quelques costumes cravates s’affairent autour de la porte de l’église de San Juan de la Palma. Tout à l’heure, en fin d’après-midi, la Vierge de la Amargura sera une des neuf Vierges de ce dimanche de Rameau à étrenner le pavé sévillan. Le palio de la Amargura, accompagné de Saint Jean et de mille pénitents en tunique blanche – la croix de Saint Jean sur la poitrine et une large ceinture de corde – sera précédé du paso du Christ comparaissant devant Hérode. Ça devrait bien se passer…
Pour l’instant, les familles commencent à arriver par petites grappes brillantes comme des sous neufs, et les adolescents en costume bleu sombre se tiennent encore comme des notaires. Tout à l’heure, après le repas de quatorze heures, ils ressembleront plus à des punks déguisés. Après les années de pandémie, on sent que cette Semaine Sainte 2023 sera la première à retrouver les marques d’antan. On le sent à la force de ces signes, de ces rituels de passage où les familles se cristallisent horriblement sous nos yeux, quittent l’état indéfini de petits groupes d’humains distincts et libres pour cet état spectaculairement ordonné, solide, prêt pour préserver l’inéluctabilité des choses mauvaises. La Famille avec majuscule apparait alors brusquement, comme le sel surgit de l’évaporation.
En face de l’église, sur la petite place, un minuscule commerce sans vitrine, La Palma, propose la canette de bière Cruzcampo bien fraîche à 0,50 euro. Pas mieux.
 Presse fermé
Pas bien
La disparition des kiosques à journaux, transformés peu à peu en kiosques à confiseries et chips aromatisés. Dans le centre, on arrive encore à trouver la presse, mais dès que l’on part dans les quartiers, c’est fini. Alors que les espagnols sont des consommateurs de presse quotidienne beaucoup plus assidus que nous, la pression du tourisme finira par venir à bout des revendeurs : les chips et les tickets de bus touristiques rapportent plus que les journaux. Pourtant, pour ce qui est de l’hypertension, le sel des chips vaut bien le stress des mauvaises nouvelles. Non ?
kiosque ouvert
Bien
Une nouvelle statue de Curro Romero a été inaugurée hier à la Algaba, dans la banlieue de Séville. Le pharaon de Camas a assisté à l’événement, en présence d’une foule nombreuse. Devant son bronze grandeur nature en habit de campo et chapeau cordouan, lançant sa véronique pour l’éternité, le maestro, qui n’aime pas les discours, a déclaré, devant un parterre d’officiels et d’amis toreros - Espartaco, Emilio Muñoz, Morante de la Puebla, Fernando Cepeda, Miguel Litri, Juan José Padilla, Tomas Campuzano, tous plus ou moins empâtés par les ans – « Croyez-moi, ce qui me plairait vraiment, c’est de toréer pour vous, dans cette petite arène si merveilleuse… »
C’est Curro Romero qui tua, en 1996 le jour de leur inauguration, le premier toro de l’histoire de ces petites arènes. C’est là aussi qu’il tua le dernier de sa carrière, le 22 octobre 2000 où à la fin d’un festival il annonça, à la surprise générale, qu’il prenait sa retraite.
Reste un mystère. Quelques heures plus tôt, l’ancien matador Rafael Chicuelo mourrait à 86 ans. Et toute la presse unanime, le présentant comme « le doyen des toreros sévillans », soulignait que désormais, c’était Curro Romero qui assumait ce titre. Or Curro aura 90 ans en décembre prochain. Il est né en 1933, et Chicuelo en 37. Doyen, ça faisait donc un moment qu’il l’était…
 Inauguracion-monumento-Curro-Romero-Algaba_1780032700_180475126_1024x783
Pas bien
La Semaine Sainte a donc commencé. Ça c’est bien. Mais il se trouve que dans un peu moins de deux mois, le 28 mai prochain, auront lieu en Espagne les élections municipales et régionales. Et que donc, aucun théâtre ne doit être négligé par les candidats. Ainsi on les a vu rappliquer, au pied des pasos, pour se montrer et chercher les objectifs photographiques. Comme Pilar Llop, la ministre de la Justice, qui a visité la confrérie du Gran Poder dans son église de San Lorenzo. Il faudra s’habituer à en croiser partout, tout au long de la semaine. C’est un peu leur Salon de l’Agriculture…
crème de la crème
Menú del día
Pour peu que l’on se trouve dans la quartier d’Encarnación, près des fameux et horribles parasols champignons qui étaient déjà démodés avant que leur construction ne soit achevée, on ira prendre son petit-déjeuner à « La crème de la crème », une excellente pâtisserie française située au n°1 de la calle Regina. On y demandera les délicieuses tostadas de pain complet (integral) avec tous les arrangements du monde (on vous sert la tostada integral con aceite y jamon avec un petit brin de romarin posé dessus !). La carte comporte aussi toutes sortes de crêpes, de tartes et de salades inventives.