cierges télé

Journal de Séville ; mardi 4 avril

Bien

Il faudra peut-être à un moment donné essayer de dire un mot sur ce paradoxe sévillan qui me fait courir les Vierges et les Christ, moi que la vue de la moindre soutane, en temps normal, rend très bête, et assez méchant. Mais à quoi bon. Peut-être ceci, qu’un gitan boiteux à qui je m’en ouvrais m’avait répondu, la première fois que j’assistais à une procession, voici vingt ans et plus :

« C’est parce que ça n’a rien à voir avec la religion ! »

Je voyais autour de moi des centaines de pénitents, des archiprêtres apprêtés, des vols de chapelets et des anges joufflus, et je me demandais s’il était sérieux. Il l’était. Le sacré n’est pas le religieux. Demandez aux anges.

Demandez à ce type, arrêté par la Guardia Civil hier soir, place du Musée. Alors que le paso du Christ de l’Expiration sortait de l’église tout sanguinolent, il a tenté de déplier une banderole sur laquelle on pouvait lire : « Activisme pour l’abolition des images de violences explicites et de torture dans les processions de la Semaine Sainte. » Enfin, dépliée pas très longtemps, parce que le courageux quinquagénaire s’est pris sur le dos un pack de costauds costaleros qui l’ont plaqué au sol et immobilisé sans trop de précautions. On ne sait jamais. La police est venue le délivrer de la mêlée, et après avoir relevé son identité, lui a conseillé de changer de quartier. Et de sport. Il faut dire que pour ce qui est de la chasse aux images de violences explicites et de torture, la Semaine Sainte n’est pas un mauvais choix. On croise un type cloué sur une croix à chaque coin de rue, et cette longue montée au Golgotha qui dure plusieurs jours est pleine d’anecdotes sanglantes, de trahisons et d’agonies. C’est ainsi : les militants végan ont toujours été attirés par les salons de la boucherie.

activiste

L'activiste, après son arrestation par la Guardia Civil.

Christ sanglant

Le Christ du Musée, sanglant sur sa croix

Quand on ne court pas les rues, la télévision est là pour vous donner des images toujours plus étranges. La chaine andalouse Canal Sur diffuse les processions en direct sur plusieurs canaux, à Séville à la Campana lorsqu’elles initient le parcours officiel, et sur la place de la Mairie, ou encore celles de Jerez, de Malaga ou de Jaen. Alors on coupe le son, et on fait sa vie sous cet horizon extravagant. Ça marche. Dimanche, par exemple, j’ai regardé sur ma tablette le Stade Toulousain en mettre une bien bonne aux sud-africains des Blue Bulls, et ça a impeccablement fonctionné. Du coin de l’œil, j’observais l’avancée des pénitents blancs et mauve de San Roque vers la Calle Sierpes. Résultat : 33 à 9 !...

Descente de croix télé

 

Pas bien

Ce n’est pas nouveau, mais la télévision espagnole est attentive à tout ce qui se passe en France. Le problème c’est que, ces jours-ci, à peine sortis des images indiscutables de poubelles (aussi indiscutables qu’un pape en doudoune ?), on a droit au passionnant débat sur les patinettes, car les questions qui se posent à Paris sont largement partagées ici : chaque jour, à Séville, selon la mairie, ce sont 833 000 déplacements qui s’effectuent à l’aide d’une trottinette (le type qui a compté !) Raison pour laquelle leur usage est interdit dans le centre historique pendant toute la Semaine Sainte, jusqu’au 9 avril prochain.

Mais la télévision espagnole lorgne aussi vers chez nous pour des raisons plus flaccides, comme pour l’affaire Marlène Schiappa et son échappée dans Playboy. Pour résumer la tendance générale, je dirais que les espagnols n’y comprennent rien. Ça tombe bien, nous non plus.

Par ailleurs ou presque, il semblerait que l’affaire ait donné des idées à Aymeric Caron qui, selon plusieurs sources concordantes, envisagerait de poser pour le poster central du numéro de Planète Corrida de l’été prochain.

 

Bien

Traditionnellement, dans les jours qui précèdent la Semaine Sainte, on enregistre à Séville une petite poussée de fièvre sociale. Chacun y va de ses revendications, avec une menace de grève pendant les festivités. En général, ça calme beaucoup les patrons. Ainsi les conducteurs de Tussam, l’entreprise de transports municipaux, ont-ils obtenu ce qu’ils voulaient au cours du dernier rendez-vous de négociation, vendredi dernier. Soulagement général. Pourtant, il y a un conflit social qui n’a pas réussi à trouver sa solution : les employés de la fourrière municipale, que l’on prétend priver d’avantages acquis, ont refusé de reprendre le travail. Ainsi, la Grúa, comme on l’appelle, reste au garage. Elle procède habituellement, en ces circonstances exceptionnelles, à l’enlèvement de plus de deux cent véhicules par jour. Là, seulement une trentaine d’interventions ont eu lieu, pour des questions de sécurité urgentes. Qui va s’en plaindre ? Les propriétaires de trottinettes ?

 

Trop bien

Marc Lavie, rédacteur en chef de l’impeccable revue hebdomadaire Semana Grande, me fait cette semaine l’honneur exagéré de m’accommoder au groupe des écrivains qui ont tout au long de l’histoire raconté la Semaine Sainte de Séville, de Musset à Théophile Gautier, de Francis Carco à Marguerite Yourcenar. C’est très aimable, mais c'est un peu comme quand, sur le coup de trois heures du matin, on est bien obligé de couper une file de pénitents pour traverser la rue et rejoindre le trottoir d’en face qui vous permettra de rentrer chez vous : on ne se sent pas vraiment à sa place…

 

sandwichs

Menú del día

Dans la rue Escuelas Pias, qui va de Santa Catalina à la Puerta Osario, on trouvera, dans un large renfoncement du trottoir, un petit bar qui ne paye pas de mine et ainsi nommé, Terraza Guadiana. On y recommande la Brioche de carrilla a la naranja, un petit sandwich de pain au lait au mijoté de porc confit à l’orange. Sucré salé délicieux.