Nadège Vidal, écrivain et aficionada, nous envoie cette lettre...
J’écrirais la faena irréelle de Finito à Cordoue, j’écrirais Castella et Morante larrons des rêves à San Sebastian et Valladolid, j’écrirais sur les espoirs, les pleurs, les fleurs, les véroniques, le sable.
Si je pouvais.
Mais non.
Je suis à Calais.
Où il y a près de 4000 réfugiés (on laissera « clandestins » à l’extrême droite et « migrants » à Valls et Sarkozy)
Le journaliste Dupire de France 3 dit « Djeungueule ». A Calais on prononce « jungle » à la française, ça sonne plus vrai,
Personne n’ose dire zoo.
Au Zoo, les animaux en couple ou en famille, ont abri, nourriture, litières changées.
Ici, on a séparé hommes et femmes ; Ces dernières sont à 6 kilomètres de la ville dans un centre aéré (très aéré) avec un repas par jour sans sanitaires ni lits adéquats, les hommes à 3 kilomètres, parqués, bloqués, en contrebas de la voie qui mène aux ferries, sous leurs toiles de plastiques ( achats, dons ou restes de nos déchets). Rien de plus.
Lundi 21 septembre (fin des « Vendanges » à Nîmes), les cinq squats de Calais occupés par les syriens ont été délogés manu militari lacrymos y matracas, etc. pour raisons hygiéniques (!)
Des kilomètres de grillages (3 mètres de haut) plus barbelés au-dessus, payés par les Anglais, des CRS et des flics partout, du Bain des pauvres aux Garennes à l’est, de la Cité de l’Europe au tunnel à l’Ouest, Calais devient le champ clos des libertés.
La honte des hontes.
Sur le sable, j’écrirais.
Nadège Vidal