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Un avril à Séville (5)

 

Mardi 5 avril : Papeles para todos

Le soleil est revenu. C’est bien simple, on dirait qu’il n’a jamais plu. Mais tous les nuages ne se sont pas dissipés : le FC Séville a perdu hier soir à Nervión contre la Real Sociedad, après dix sept rencontres victorieuses sur sa pelouse !…

Et c’est pas tout : les échos de Los Papeles de Panama, comme on dit ici, provoquent aussi en Espagne leurs lots de disgrâces. Hier soir, le cinéaste Pedro Almodovar était absent à Barcelone pour la Première de son nouveau film, Juliette… Un comble. Du jamais vu.

Et l’on apprenait dans la journée que Pilar de Borbón, la propre sœur de Juan Carlos, et tante de l’actuel Roi Felipe VI, avait elle aussi sa petite officine opaque dans les paradis fiscaux. (Après, il y en a qui viendront critiquer qu’on ait coupé la tête aux nôtres…) Pilar de Borbón a créé sa société en août 1974, un mois après que son frère soit nommé chef de l’État par intérim à cause de la dégradation brutale de la santé du Général Franco. Autre hasard du calendrier, que l’on apprend par ces documents qui voient le jour grâce au travail des journalistes, la société a été dissoute en 2014, cinq jours après que Felipe VI soit proclamé Roi d’Espagne... Pilar n’aime pas l’incertitude. Et savez-vous quel nom elle lui avait donné, à la petite officine occulte ? Delantera Financiera, que l’on pourrait traduire par : « En avant pour se remplir les poches ! »

Mais le bonbon aux deux parfums est encore à suivre : le consortium international de journalistes d’investigation qui révèle le scandale précise que douze membres de la prestigieuse famille Domecq font partie de la liste des voyous. Dont Micaela Domecq Solis-Beaumont, l’épouse du commissaire européen pour le climat et l’énergie (d’où vraisemblablement l’expression « mettre de l’argent à l’ombre »…) C’est comme ça : chez les Domecq, il n’y a pas que les toros qui sont artistes.

 

Carpa_Bus_féria

Depuis huit jours, dès le lendemain du dimanche de Pâques, les services techniques de la Mairie ont dressé, sur le grand parking du Prado de San Sebastian, la tente qui sert de départ aux services spéciaux de bus pendant la Féria. C’est à dire que le 28 mars, ils ont installé la tente pour le 11 avril. Dans cette ville où tout avance à la vitesse d’un escargot paralytique, où les travaux de la place de l’Incarnation ont quand même pris trente cinq ans pour s’accomplir, on remarquera que tout ce qui concerne les fêtes – et elles sont ici très nombreuses – ne souffre ni retard ni report. Allez savoir pourquoi…

 

Javier_Jimenez

Javier Jimenez : naturelles de face

 

Quatrième corrida de l'abonnement :

6 toros de Torrestrella pour Miguel Ángel Delgado (ovation et silence), Pepe Moral (silence et oreille), Javier Jimenez (ovation après deux avis et oreille)

On ne sait pas si c'est la proximité de la Semaine Sainte qui incite les toreros à s'agenouiller, mais pour la seconde fois en deux jours, la corrida a commencé par une Porta Gayola : le premier matador du jour est allé, juste après le paseo, s'agenouiller devant la porte du toril, pour attendre et recevoir son toro par cette suerte spectaculaire. Mais autant hier c'était raté, à cause de l'indécision du toro, autant aujourd'hui Miguel Ángel Delgado a senti Pocaprisa et ses 549 kilos frôler sa cape et son corps...
Le troisième, protesté à la pique pour sa forte tendance à la génuflexion (décidément...) se refait peu à peu la cerise aux banderilles - comme quoi ça sert quand même à quelque chose ce truc-là - et permet à Javier Jimenez d'étaler sa classe et de dessiner une douce faena tout à fait dans le goût sévillan. Mais voilà. Il y eut une série de trop, et le toro, totalement défait, arriva pour l'estocade avec la décision et la fermeté d'un Flanby. Épée al encuentro imprécise, mort interminable, deux descabellos, et la belle ouvrage se résume en une ovation chaleureuse. Les toreros comme Jimenez ne viennent pas à la Maestranza pour entendre des ovations. Mais à l'avenir, il vaudrait mieux ne pas laisser s'échapper ce genre de toros...
Aux banderilles du quatrième, Curro Robles et Fernando Sanchez se sont offert un mano a mano millimétré et parfaitement brillant.
Au cinquième, on attendait la main gauche de Pepe Moral. Il y vint, avec engagement et finesse. Mais ce sont les cornes qui commandent, et c'est de la droite qu'il dessina les meilleures choses. Rajoutez une estocade fulminante, coupez l'oreille et servez la sans attendre.

Devant le sixième toro, Javier Jimenez se confie à nouveau, et là maîtrise l'ouvrage du début à la fin. Très bonne estocade, une oreille.

Dans l'ensemble donc, une très bonne après-midi, pleine d'intérêt. A peu de choses près le contraire d'hier. En plus, la jeunesse s'amuse...

 

Pepe_Moral_Vuelta

 

Miscellanées gourmandes à Séville (6)

C’est une ancienne échoppe d’horlogerie. Il faut la chercher au début de la rue Harinas, tout près des arènes. La chercher, car sa devanture se résume à sa porte d’entrée… Vu la taille de la boutique, on devait y réparer des montres à gousset, et pas des horloges comtoises… Du minutieux, de l’expertise, de l’engrenage pour lilliputien. Aujourd’hui, la Relojeria abrite, dans ses trois mètres carrés quarante (deux mètres sur un soixante dix), un petit comptoir et juste derrière Ana, sa bonne humeur contagieuse et sa cuisine maison. La cuisine, elle la fait ailleurs, chez elle, par manque de place, et elle apporte chaque matin quatre ou cinq gros Tupperware pleins de boulettes de calamars en sauce, de ragout de joues de porc, de pieds de cochon fondants ou autre merveilles inventées par elle. Une fois qu’on accepte l’idée de rentrer à plusieurs dans ce placard sombre, sans fenêtre, éclairé par un méchant néon, et qu’on trouve un coin où s’encastrer en ménageant l’espace pour les gestes indispensables (lever le coude, organiser le voyage entre l’assiette et la bouche), on est sur une autre planète, amicale, drôle et infiniment agréable. Ana est une petite femme spontanée et attachante, et sa cuisine, comme souvent, est à son image.

Ici, pas de bière à la pression (Cruzcampo en bouteille), mais un choix très malin de quelques vins, blancs et rouges, très originaux. Comme l’endroit. Goutez donc par exemple, si vous aimez les rouges de caractère, l’Angelitos negros, un vin de Toro tout à fait intéressant…

La Relojeria, Calle Harinas, 24, 41001 Sevilla

 Relojeria