Jeudi 7 avril : Adjugé !
La population d'aigles impériaux a nettement augmentée ces dernières années en Andalousie. Cent deux couples sont désormais répertoriés, et le rapace ibérique est sur le point de quitter la liste des espèces en voie de disparition. C'est à peu près la seule bonne nouvelle du journal. Pour le reste, on saute en Espagne de scandale en scandale, et on a parfois bien du mal à ne pas les mélanger...
Autrement ce midi, à l'hôtel Colon, la belle société sévillane s'était donné rendez-vous pour une vente aux enchères taurine humanitaire au bénéfice de la Fondation CES Séville qui, si on a bien compris, lutte contre la drogue et pour les drogués. Ne nous plaignons pas, ça aurait pu être le contraire...
Une centaine d'œuvres plus ou moins intéressantes, tableaux, bronzes, gravures, photos ou affiches. Et un mouchoir. Un carré de soie de 41 cm sur 43, noir bordé d'une fresque jaune et rouge, et avec dans un coin, une photo de Juan Belmonte. Très beau. Mise à prix 250 euros.
J'apprends un nouveau mot, pujar, qui signifie enchérir, et dont on comprend bien comment il vient d'empujar, pousser... Un bronze représentant Curro Romero, un portrait de Belmonte, un dessin de Botero, tout ce sur quoi j'avais parié pour de beaux affrontements entre collectionneurs, rien n'a trouvé preneur. Pas une seule enchère. La crise est passée par là. Deux lots seulement se sont envolés. Curieusement, deux dessins de deux femmes toreras réalisant une passe de poitrine, de Francisco Hohenleiter y Castro, et la photographie d'un enfant, assis sur un mur de la Maestranza, d'Angel Alén...
Quant à mon mouchoir, personne n'en a voulu !
Sixième corrida de l'abonnement. Demie entrée. Six toros de Moïses Fraile-El Pilar dont deux bons (quatrième et sixième) pour Sébastien Castella, bleu roi et or (silence, silence et silence), et Alberto López Simón, blanc et or (silence, oreille et oreille).
Programmer un mano a mano, c'est d'abord organiser une confrontation entre deux toreros. L'affiche du jour peut s'entendre ainsi : Sébastien Castella, seize ans d'alternative, triomphateur de la saison dernière, "contre" celui qui en fut une des principales révélations, Alberto López Simón, matador depuis quatre ans, qui a triomphé depuis le début de cette année à Olivenza, Castellon, Valencia et Arles. L'expérience et la maturité contre la nouveauté et la fougue. Il n'y a pas si longtemps, les figures établies se gardaient bien de se mesurer ainsi aux jeunes loups aux dents longues. Il semble bien pourtant que ces confrontations soient le lot commun de toutes les grandes ferais de 2016.
Le problème, c'est que ça aurait mérité qu'on pense à mettre des toros devant les deux jeunes hommes. Car Sébastien Castella dût faire avec des bestiaux sans intention et sans force. On ne put le juger qu'à la cape de son premier, où sa douceur et sa lenteur firent merveille. On échange ça contre toutes les porta Gayola du monde...
Avec López Simón, on se demandait si l'on ne se retrouverait pas face au syndrome du second roman. Le premier (2015, quatre sorties en triomphe à Madrid) a assuré sa renommée, et sa présence cette saison dans toutes les arènes importantes (La Brède le 25 juin). Mais comment dire : ce qu'il fit au ralenti devant le quatrième de la main gauche restera longtemps dans les rétines. Comme l'incroyable talent avec lequel il inventa une faena au languissant sixième. On retiendra surtout la façon délicieuse, sans tapage et d'une précision ahurissante dont il lui a raccourci les distances pour s'installer dans le terrain du toro. D'habitude, tout ça se fait avec esbroufe, dans de grands mouvements de pendule derrière le dos, avec pour but principal d'impressionner les tendidos. Là, rien de tout ça : une histoire de terrain, résolue avec toreria, application et minutie. Un régal. Merci pour ce moment.
Miscellanées gourmandes à Séville (8)
C’est un des endroits les plus mythiques de Séville. Des plus courus, aussi. Il suffit de passer le Pont Isabel II, et sur la droite, en face de la Place de l’Altozano, on descend par quelques marches dans le marché couvert de Triana.
La carte postale vous saute aux yeux : cascades de fruits et de légumes multicolores, ciels de jambons pendus, céramiques dorées. Ambiance chaleureuse, malgré les nombreux touristes : tous les guides vous conseillent l’endroit en vous promettant que vous serez le seul. Le Petit Futé vous promet même que vous serez ici « à l’écart des circuits touristiques ». Mouais…
Au fond du marché, à droite, le bar La Muralla propose la terrasse la plus agréable. Asseyez-vous sous les têtes de toros accrochées sur les piliers, ou installez-vous au zinc, au plus près du réacteur de la petite cuisine.
Mais ne faites pas comme les français : ne venez pas ici pour le petit déjeuner. Bien sûr, l’endroit est pittoresque, mais les tostadas sont très moyennes, et le jambon de petite qualité. Par contre, sur le coup de 14 heures, venez prendre un bière fraîche, et commandez une tapa de menudo. Ne traduisez surtout pas : si vous vous dites que vous allez manger des tripes, vous risquez de vous dégonfler. Mais si vous savez vous abandonner, vous m’en direz des nouvelles…
La Muralla, mercado de triana n°72, 41009 Séville, +34 954 34 43 02